Le blogue des Rivest en Grèce

Ce blogue est un recueil de textes rédigés par Youri, Geneviève et qui sait, peut-être par Jules, Zoé et Eva également. Vous y lirez nos impressions sur la situation actuelle en Grèce ainsi que sur les endroits que nous visitons. Parfois de courtes cartes postales, parfois des lettres plus longuement réfléchies, nous espérons que vous en apprécierez la lecture et que vous ne vous gênerez pas pour laisser vos commentaires.

mardi 30 juin 2015

D'Athènes à Nafplion, là où on oublie la crise et qu'elle nous rattrape...

Nous avons visité Nafplion (que les Français appellent "Nauplie") il y a exactement 10 ans, et en avions gardé le souvenir d'une ville ayant beaucoup de charme et de caractère. La ville est restée fidèle à cette image, avec ses places -dont celle de Syntagma-, ses cafés et ses jolies boutiques. Elle incarne la joie de vivre et le chic sophistiqué des Grecs et attire dans sa baie des navires privés dont on n'essaie même plus d'estimer la valeur.

La Place Syntagma à Nafplion
On préférera profiter de la superbe vue, du haut de la terrasse de la Pension Marianna, en savourant le traditionnel petit-déjeuner grec : yaourt (bien loin de tous ces prétendus yogourts grecs qu'on nous vend chez nous) et miel, oeufs durs, pain et confitures de fruits locaux. On est ici bien loin d'Athènes, de ses graffitis, de la foule oppressante et de sa morosité. Ici on profite, et on oublie, mais pas pour longtemps.

Vendredi soir (le 26), Tsipras annonçait qu'il interrompait les négociations avec l'Eurogroup pour soumettre le plan d'aide de ce dernier en référendum. Le samedi, jour de notre arrivée à Nafplion, c'est l'Eurogroup qui répliquait en annonçant que le plan d'aide ne serait pas prolongé et qu'on passait au plan B. En ce beau matin de dimanche, alors que nous nous apprêtions à prendre un taxi vers la belle plage familiale de Karathona, nous avons tenté de retirer quelques Euros au guichet de la Banque, mais sans succès. Nous avons croisé plusieurs autres vacanciers ce matin-là qui avaient comme nous fait quelques vaines tentatives à deux guichets ou plus.

La mer à Karathona
Stimulus, réponse. Un ami me parlait il y a quelque temps de cette fraction de seconde entre le moment où un événement ou une action se produit et que s'ensuive une réaction. C'est dans cette fraction de seconde qu'on peut décider, qu'on peut choisir. Ce matin, sur la plage de Karathona, c'est le calme. Les seuls cris sont ceux des enfants qui ont peur de l'eau et qui s'agrippent à leurs parents. Les vacanciers s'ébattent dans la mer en toute liberté, alors qu'à quelques mètres seulement au large, un luxueux yacht s'apprête à reprendre la mer...


"Mettons le feu aux banques"

D'un point de vue architectural, ce qui frappe en se promenant au centre d'Athènes, ce sont les graffitis. Ils se marient mal à ce musée à ciel ouvert que constitue cette ville. L'art classique se dissout très mal dans l'art "urban". D'ailleurs, beaucoup de statues autour des jardins nationaux (le Central Park d'Athènes) sont recouvertes et entourées de barricades. Est-ce pour les protéger des graffiteurs?

Toujours est-il que les graffitis ne sont pas le problème en soit, mais l'expression du malaise. Ils permettent de laisser sortir la pression. Ce graffiti aperçu près de la Place Syntagma, principale place d'Athènes en face du parlement et chef lieu de toutes les manifestations, résument assez bien l'esprit populaire : φωτιά στην Τράπεζες "fotiá stin trápezes" (mettons le feu à la banque).

Pour la plupart des Grecs, la crise dont ils sont victimes depuis 8 ans (et qui a fait diminuer leur PIB de 25% depuis 2010) a pour objet de les faire payer pour sauver les banques européennes. Le parti qu'ils ont elu et qui préside leur destinée se nomme d'ailleurs SYRIZA (en grec : ΣΥΡΙΖΑΣυνασπισμός Ριζοσπαστικής Αριστεράς (Synaspismós Rizospastikís Aristerás), « Coalition de la gauche radicale »).  Le mot important ici est Rizospastikís. Une coupe de cheveux "rizos" signifie littéralement "à la racine", rasé, comme dans table rase; on opère une rupture, on agit sur la cause profonde des effets qu'on veut modifier. Y arriveront-ils en restant dans la zone Euro?

En ce moment, la négociation porte sur le type d'austérité. L'Europe veut une coupe des pensions de 40% (elles ont déjà été coupées de 40%) et la Grèce prône plutôt une taxe à la consommation et aux entreprises. L'Europe est contre cette dernière car cela pourrait affecter la croissance. Sans rire, affecter la croissance d'un pays dont l'economie a fondu du quart.

Ce que les Grecs entendent : nous allons détruire votre économie selon nos termes et non selon les 
vôtres.