Le blogue des Rivest en Grèce

Ce blogue est un recueil de textes rédigés par Youri, Geneviève et qui sait, peut-être par Jules, Zoé et Eva également. Vous y lirez nos impressions sur la situation actuelle en Grèce ainsi que sur les endroits que nous visitons. Parfois de courtes cartes postales, parfois des lettres plus longuement réfléchies, nous espérons que vous en apprécierez la lecture et que vous ne vous gênerez pas pour laisser vos commentaires.

mardi 21 juillet 2015

Les explications de Yanis Varoufakis...

Pour bien saisir les nuances et la complexité de la crise politique grecque, nous avons décidé de nous asseoir avec l’ex-ministre des finances, Yanis Varoufakis.1 Il nous reçoit chez lui, dans sa résidence principale, située sur la colline près de l’Acropole. Pour l’entrevue il est vêtu de pantalons en lin kaki et d’une chemise en lin blanc très peu boutonnée. Il est flanqué d’une plantureuse assistante, qui elle, porte un minuscule tailleur marine et une blouse blanche ajustée qui laisse très peu de place à l’imagination. L’appartement est décoré avec goût, et sur les murs sont accrochées des œuvres d’art contemporain et des photos du maître des lieux..

Il nous accueille chaleureusement, nous invite à nous asseoir sur la terrasse, où nous attend un plateau rempli d’olives de Kalamata, de pistaches d’Aegina et une carafe d’eau.

Les Rivest en vacance :  Merci de nous recevoir au milieu de cette crise et d’aider nos lecteurs à comprendre la crise grecque 2015.

Yanis Varoufakis : C’est un grand plaisir pour moi de vous aider à démystifier tout cela...

Lrev : Tout d’abord, une appréciation générale. On dirait que la différence entre la comédie et la tragédie, c’est d’être un  vacancier observateur de la crise politique et être un politicien au pouvoir en Grèce. Êtes-vous d’accord avec cette observation ?

YV : La comédie et la tragédie sont deux cadeaux que la Grèce a fait au monde occidental, comme tout le reste de la civilisation d’ailleurs.

Lrev : La Grèce pâtit dans le marasme économique depuis bientôt 7 ans. À quoi attribuez-vous cette débâcle?

YV : La situation actuelle, le recul de 25% du PIB, le retour de maladies infectieuses, la déflation et l’appauvrissement généralisé du peuple grec est attribuable à la terrible Triade qui oppresse les classes populaires grecques.

Tout d’abord il y a eu les vieux partis corrompus : le PASOK et les conservateurs ont volé les prolétaires et ont truqué les chiffres des finances publiques. En 2008, lorsque la crise financière mondiale  a éclaté, ils n’ont pu continuer leur manège. Comme je dis souvent, c’est quand la marée baisse que l’on voit ceux qui se baignent nu. Ils ont dû avouer que le déficit était beaucoup plus élevé que ce que les chiffres officiels laissaient présager (12.5% au lieu de 2%).

Ensuite, il y a le grand capitalisme mondial qui conspire contre le peuple hélenne. On a exigé des taux d’intérêts ahurissants pour financer la dette grecque. On a dit que c’était parce qu’on avait moins confiance en raison de la manipulation financière, mais en réalité, ces Shylock sont jaloux et font saigner les masses ouvrières descendant d’Aristote. Ils se sont également attaqué comme un squale aux banques grecques qui n’ont pu résister à une telle férocité.

Finalement, il y a les politiques d’austérité mises en place par l’Eurogroup, qui agit en sous-main de l’Allemagne, laquelle n’a jamais digéré la cuisante défaite que la race d’Arès lui a fait subir lors de la 2ème guerre mondiale.  La réduction drastique des dépenses publiques, comme la coupe de 40% des pensions, conjuguée à l’augmentation de toutes sortes de taxes et impôts
ont litéralement asphyxié l’économie grecque. Ces politiques ont d’ailleurs été mises en œuvre avec la complicité des vieux partis corrompus.

LRev : Donc tout cela a culminé avec le contrôle bancaire, la limite imposée de retrait de 60€ par jour et l’interdiction de sortir du capital du pays. Est-ce que cette situation a grandement réduit vos alternatives et votre marge de manœuvre dans vos négociations avec l’Eurogroup?

YV : Je ne crois pas que les Grecs souffrent de cette situation. Nimporte qui sachant lire un tableau avec deux colonnes de chiffres sait bien que nos banques sont comme un vieux rafiot qui prend l’eau, et aura déménagé son argent ailleurs dans la zone euro en prenant soins de mettre quelques liasses au frais dans son coffre fort, à côté de ses passeports de différentes nationalités.

L’assistante : Yanis veut dire que c’est sûrement ce que les anciens dirigeants ont fait.

LRev : Revenons à la situation politique. Vous avez demandé  au peuple de se prononcer par référendum sur les conditions imposées par l’Eurogroup. Vous avez fait campagne avec votre parti contre ces offres. Vous avez gagné le référendum et avez ensuite démisionné, ce qui a surpris tout le monde. Que s’est-il passé?

YV : J’aime les coups d’éclat. Je pensais écrire une lettre très profonde et m’ouvrir les veines dans le bain comme une rock star, mais je ne voulais pas porter ombrage aux Kurt Cobain de ce monde. En fait, le premier ministre, Alexis Tsipras, est venu me voir et il m’a dit que l’Eurogroup exigeait que je ne sois pas à la table pour reprendre les négociations. Il m’a dit : « la Grèce est plus importante que toi ». C’est son avis. Il est le premier ministre. Son problème, c’est qu’il est l’ancien leader étudiant du parti communiste et qu’il croit vraiment à toute cette idéologie. Il est un peu naïf.

LRev : Mais n’êtes-vous pas vous-même de cette mouvance ?

YV : Seulement la semaine. La fin de semaine, je suis un playboy milionnaire.

LRev : ... Le premier ministre Tsipras a donc fait campagne contre les offres de l’Eurogroup pour finalement les accepter une semaine plus tard. Le vote a eu lieu hier soir : votre parti étant divisé sur la question, plusieurs députés dont vous avez voté contre, mais Tsipras s’en est tiré avec une majorité car l’opposition a voté avec lui. Votre avis là-dessus?

YV : C’est très simple : le premier ministre passe des réformes majeures contre son parti, mais avec l’aide de l’opposition.

LRev : Vous avez voté contre votre premier ministre sur le dernier vote et vous vous étiez absent, à Aegina pour des motifs familiaux, lors du vote précédent. Quel est votre statut actuel au sein de votre parti?

YV : Quel genre de pistache mangeriez-vous si je n’étais pas allé à Aegina?

LRev : Comment voyez-vous le contexte politique à court et moyen termes ?

YV : Un premier ministre qui gouverne contre son parti et avec la complicité de vieux partis corrompus devra inévitablement appeler des élections. C’est à ce moment que devra se lever un leader fort, un guide, un phare dans cette nuit de tourmente; un chef qui comprend les prolétaires, qui est capable de s’asseoir avec les puissants de ce monde et de charmer mesdames Merkel ou Lagarde du FMI.

LRev : Monsieur Varoufakis, merci de nous avoir accordé cet entretien.

YV : Tout le plaisir est pour vous.

(1 Pour celles et ceux qui ne l’auront pas compris, quoi qu’elle soit fort plausible, cette entrevue est purement fictive et les réponses de YV ne sont que le fruit d’une imagination débridée, alimentée par le ouzo, la tzatziki et le soleil.)


mercredi 15 juillet 2015

La chose et l’idée de la chose


Vous avez vu en photo de petites maisons blanches accrochées à flanc de montagne, ornées de bougainvilliers; une mer d’un bleu profond où l’on se sent seul au monde. Vous avez regardé un reportage de l’émission Thalassa à TV5 où l’on vous décrit les plages inaccessibles d’une petite île couverte d’oliviers. Vous commencez à rêver de la Grèce et l’annonce de yogourt ne fait que renforcer ce projet de vacance. C’est une carte postale. Tout ceci est l’idée de la chose et non la chose comme telle.

Dans la réalité, il y aura des hordes de touristes allemands, des groupes d’étudiants anglais qui se tiendront tellement serrés que vous ne pourrez passer au travers et qui vous feront penser à un banc de petits poissons. Des Américains qui répèteront de plus en plus fort la même phrase à un Grec qui ne parle pas l’anglais. Être dans la carte postale permet de dire j’y étais, la preuve : j’ai la photo et le tee-shirt. C’est une façon de voyager.

Les conseils du pro

Vous voulez allez sur une magnifique île grecque? Allez à Santorini ou Mykonos. Vous vous intéressez à la Grèce et à la culture grecque? Allez ailleurs. Par exemple :

Choisissez Paxos plutôt que Corfou
Folegandros plutôt que Santorini
Préférez Amorgos à Mykonos
Optez pour le sud de la Crète plutôt que pour le nord

Compte tenu du contexte, les Grecs fortunés ne prendront pas de vacances, allez là où ils ont l’habitude d’aller, c’est-à-dire en des endroits plus intéressants, où le rapport entre l’offre et la demande ira en votre faveur. Par exemple :

Les îles du golf saronique (Spetses, Hydra, Aegina ou Poros) situées à moins d’une heure d’Athènes en bateau rapide, qui constituent un excellent camp de base pour qui veut explorer Athènes, tout en profitant des beaux paysages des îles.

Le Péloponèse

L’île de Tzia (ou Kea), la plus au nord des Cyclades, où l’on accède par le port de Rafina près de l’Aéroport, tout au bout de l’Attique.

Vous ne serez pas déçus de ces régions qui n’ont rien à envier à des îles comme Santorini et Mykonos, et où la densité de touristes est beaucoup moins forte.

samedi 11 juillet 2015

L'ange de Monemvassia

C’est la première fois que nous revenons en Grèce depuis le décès de l’oncle Angelo. Comment le décrire? Si Appollon n’avait pas seulement été beau et qu’il avait eu du charme, il aurait « pu » être comme Angelo. Trois mots pour décrire Angelo? Joueur. Séducteur. Avant-gardiste. En grec les mots et les noms ont toujours un sens ou une signification. Angelo est le quatrième de la fratrie, arrivé sur le tard, alors que ma grand-mère avait entamé la deuxième moitié de la quarantaine. C’est un petit « ange » qu’on lui avait envoyé.

Lui a toujours vécu sa vie comme s’il était un accident. Un peu comme le gars qui arrive à la mauvaise destination parce qu’il s’est trompé de train. Sauf qu’Angelo s’est dit que tant qu’à être ici, aussi bien s’amuser et en profiter. C’est ce qu’il a fait toute sa vie.

Outre le grec, Angelo parlait le français, l’anglais, et l’allemand, et je crois même qu’il se débrouillait assez bien en italien et en espagnol. Non seulement maîtrisait-il toutes ces langues, mais il pouvait également reproduire certains accents. Son français était très « international », mais sans jamais être allé en France ou dans un autre pays francophone, il pouvait du tac au tac prendre un accent suisse romand à s’y méprendre :  « mais y’aaa paaas l’feu au laaac. Mais faut paaas s’éneeerver ». Ou encore le québécois :  « T’as-tu l’a-heuwe ? ».

Mon premier souvenir de lui remonte au milieu des années 70. J’ai 6 ans, il en a 20, et fait son service militaire. Nous sommes désignés pour aller chercher les souvlakis lors du souper familial. En chemin, il me parle différemment des autres adultes. En fait, il me parle comme à un adulte. Enfin, quelqu’un qui comprend que je suis juste petit et pas débile. Il me raconte qu’il veut importer des voitures de luxe pour devenir milionnaire. Je me demande si être milionnaire en drachmes c’est vraiment ambitieux. Il me décrit la problématique reliée à la taxe d’accise.

Plus tard, il a rencrontré Hélène qui allait devenir sa femme. Ils ont tous deux décidé d’aller travailler en Arabie Saoudite pendant trois ans afin de ramasser un pécule qu’ils ont investi dans l’ouverture d’un bar à Monemvassia.

Monemvassia est située dans le sud du Péloponnèse. L’endroit est des plus singuliers. Vous descendez des montagnes, vous arrivez à une baie. Au milieu de la baie trône un gros rocher relié à la terre ferme par une jetée. Vous empruntez cette jetée qui débouche sur un chemin qui monte en faisant le tour du rocher jusqu’à l’autre côté. Boom. Les murs d’un château et à l’intérieur une cité médiévale bien préservée avec ses églises, hôtels où nous avons séjourné, restaurants et, ce qu’est devenu le bar d’Angelo. C’était autrefois un endroit tout à fait simple et  sympathique avec des toiles, peintes par des amis accrochées aux murs. À l’arrière du bar, une petite terrasse donne sur la mer (car elle est à l’arrière du bar qui est dans le château, sur le rocher dans la baie. Vous suivez?).



Les touristes qui visitaient le kastro arrêtaient acheter une limonade pour se raffraîchir. Ils ressortaient au bout de trois vodkas- granités trois couleurs, soulagés de quelques milliers de drachmes, joyeux, charmés et se disant qu’ils devraient recommander ce sympathique bar à leurs amis. C’était la méthode Angelo.

Lorsqu’Angelo et Hélène ont ouvert le bar, Monemvassia était un peu à l’abandon, mais la ville est rapidement devenue un lieu prisé par la bourgoisie athénienne. Leurs efforts ont porté fruit et leur entreprise a connu beaucoup de succès. Les parents d’Hélène les aidaient avec l’intendance de la maison. Sa mère, Maria, toujours très droite, tenait le fort. Son père avait la santé plus fragile et le pas plus hésitant, mais avait aussi la bonhomie typique de l’homme grec : lorsqu’il vous donnait une tape sur l’épaule avec son épaisse main de maçon, on craignait qu’elle se soit disloquée.

Dans la deuxième partie des années 90, Angelo s’est mis à jouer à la bourse. Comme beaucoup d’autres, il a fait beaucoup d'argent. Ensuite, avec l'éclatement de l’exubérance irrationnelle, il a comme beaucoup d’autres perdu beaucoup d'argent. À peu près au même moment, Angelo et Hélène ont dû apporter quelques rénovations au bar, suite à un incendie je crois, et c’est là qu’est arrivé ce que tout Grec qui effectue des travaux près d'un site historique redoute le plus. Après avoir défoncé le plancher, ils ont découvert des catacombes.

Petros, de la pension Marianna à Nafplio m’expliquait que c'est la seule chose qui aurait pu faire capoter son projet hôtelier lors de la construction. Lorsqu’une telle découverte survient, le ministère du patrimoine débarque. On arrête les travaux et bonne chance. Vous êtes pris entre la minutie de l'archéologue et la démence des bureaucrates. Avez-vous le laissez-passer A-38 pour le formulaire bleu qui permet de faire une demande d'étude de faisabilité de l'excavation? Au bout de deux ans à payer un loyer sans pouvoir faire fonctionner le bar, ils ont « tiré la plogue » comme on dit.

Ils ont alors ouvert un autre bar "Angelo... ma non troppo" (ange, mais pas trop) à Chalàndri, une banlieue au nord d'Athènes. Le nom du bar révélait bien sa nature. La cousine Yohanna devait être magnifique à y faire des concerts.

Angelo a toujours été un précurseur, dans le boom économique comme dans le bust. Il avait sa Jaguar antique, il roulait maintenant et mini Austin. Et puis la maladie est arrivée.

Si vous alllez à Monemvassia, le bar se nomme maintenant Rodi. Les sofas blancs aseptisées se marient très bien avec la coiffure de la serveuse. Prenez une vodka à sa santé et dites comme nous "Ya mas Angelo".


vendredi 10 juillet 2015

De Naflion à Monemvassia : entre mer et ciel

Je n'ai jamais vécu autant de changements en un seul trajet en voiture, et en l'espace de quelques heures seulement que sur la route qui nous a conduit de Nafplion jusqu'à Monemvassia, à quelques heures au sud, sur la côte est du Péloponnèse. Nos quelques jours à Nafplion ont été ponctués d'averses et d'ennuagement, ce que je trouvais déjà assez inhabituel. Il nous est même arrivé de porter une p´tite laine le soir pour aller dîner.

Nous avons quitté Nafplion par un jour ensoleillé, avec une température de 25 degrés et avons pris la route du bord de mer jusqu'à la ville de Leonidio, qui forme un espèce de triangle dont la pointe entre dans les terres. En sortant de la ville, en regagnant le bord de mer, on arrive à Plaka, petit port où une source de montagne se jette dans la mer, sur une plage de galets. Il y a là quelques tavernas avec vue sur le port où on mange très bien.

Nous avons ensuite repris la route vers Kosmas, petit village niché dans les montagnes. On nous avait suggéré de nous y arrêter pour manger de la chèvre, mais comme nous avions déjà mangé comme des ogres à Plaka... La route qui mène à Kosmas est saisissante. Il y a les chemins escarpés et les virages en tête d'épingle qui offrent une vue à couper le souffle, mais il y a également le mercure qui dégringole et un paysage qui change à différents moments lors de l'ascension. Alors qu'au matin la route était bordée de lauriers et de palmiers, on était soudainement entourés de connifères et de plantes montagnardes.

Quelques minutes avant d'entrer dans Kosmas, nous avons croisé quelques abreuvoirs où jaillissait l'eau des sources. Comme nous roulons la plupart du temps fenêtres baissées, nous avons constaté que le temps était plus frais, et nous étions surpris de voir que le cadran de la voiture indiquait 12 degrés de moins qu'au bas de la montagne. Nous sommes arrivés au cœur de Kosmas, ébahis par le charme d'une grande place occupée par quelques restaurants et de majestueux arbres. Assis sur des chaises, quelques vieux, vêtus de lainage, surpris eux aussi. Il est vrai qu'une Opel qui file en laissant dans son sillage une odeur de crème solaire et quelques notes de Uptown Funk à tue-tête, ça ne passe pas inaperçu...

Mais là où notre choc a été sans précédent, c'est sur la route après Kosmas, alors que nous apercevions d'étranges flaques blanches, aux abords de la route et quelques fois au centre : de la neige! Ce drôle d'intermède a duré quelques minutes et nous étions soulagés, en route vers Skala, de revoir une végétation qui annonçait la mer et le sable chaud.

À Skala, nous avons pris la route vers la mer, à l'est. Alors qu'on approche de Monemvassia, on le voit soudainement surgir : l'immense rocher, le roc derrière lequel se cache la forteresse (ou kastro) de Monemvassia. On traverse ensuite la digue qui relie le village à l'île et avec un peu de chance, on réussit à trouver une place où garer la voiture sur le chemin qui mène au portail principal de la forteresse. Une fois qu'on l'a franchi, on peut commencer à découvrir tous ses secrets.

À voir et à faire :

S'arrêter chez Delphina à Plaka (Leonidio). Le proprio vous amène littéralement dans la cuisine et vous montre ce qu'il y a sur le feu ce jour-là. Il faut absolument goûter à sa trempette d'aubergine. Si vous êtes gentils, il vous offrira peut-ête du yogourt à l'aubergine caramélisée.

Soyez plus intelligents que nous, enfilez une pelure, arrêtez-vous à Kosmas, asseyez-vous avec les vieux et mangez de la chèvre. C'est tellement bon!


jeudi 9 juillet 2015

Quelle pénurie?

Nous lisons ce matin dans The Economist econ.st/1NP1Quv pic.twitter.com/Nai3m25Smp, avec photo à l’appui, que les étalages des supermarchés sont vides. Après avoir rapporté des faits bruts, les médias ont souvent tendance à y apporter une touche un peu plus « human »;  ça permet de montrer autre chose qu’un toit d’édifice avec le drapeau grec. Cela va de soi; au beau milieu d’une crise financière sans précédent, il doit logiquement y avoir pénurie alimentaire.

Ce n’est toutefois pas du tout ce que nous voyons au quotidien. Nous n’avons pas la prétention de faire du journalisme rigoureux et la réalité d’Athènes est peut être très différente de celle des « régions »,  mais partout où nous sommes allés dans le Péloponnèse et maintenant à Corfou, nous pouvons consommer une quantité impresssionante de produits frais et de qualité. Le souper d’avant-hier était composé de loup de mer sauvage (impossible de trouver une telle qualité de poisson à Montréal), de boulettes de viandes, d’aubergines, de poivrons, de vlita (un genre d’épinard), et de ce qu’au Canada on appelle une salade grecque. Que ce soit au marché public, au super market, ou dans les commerces où l’on trouve viandes, poissons, pains et pâtisseries, on a aucun mal à trouver ce qu’il faut pour préparer un bon repas. Aucune pénurie.

La seule vraie pénurie est celle des liquidités. Les Grecs sont toujours limités dans leurs possibilités de retirer de l’argent. Pour les « xenos » (les étrangers),  les guichets fonctionnent bien le soir. L’avant-midi, les Grecs font la file et vous regardent avec envie lorsque vous retirez une pile d’Euros un peu plus épaisse que la leur. Pensez-y, vous faites la file devant LEUR banque où ils ont déposé LEUR argent. Ils ne peuvent rien retirer, mais vous oui. C’est évidemment plus complexe, mais notre grec est trop limité pour en discuter.

En dehors des grandes chaînes hôtelières ou des grandes bannières alimentaires, la carte de crédit n’est pas acceptée. La location de voiture, l’essence et toutes les denrées achetées dans les petits commerces doivent être payées « cash ». L’autre difficulté rencontrée dans cette pénurie de liquidités est le manque de petites coupures.

Nous allons au cours des prochains jours publier quelques billets sous le libellé « les conseils du pro » pour ceux qui planifient un voyage en Grèce au cours des prochains jours.

Voici déjà quelques conseils :

Planifiez comme si les guichets ne fonctionnaient pas.
Allez au guichet après l’heure de la sieste (à partir de 16h).
Faites du change chaque fois que vous en avez l’occasion.
Pour régler l’hébergement (appartements et villas), utiliser un compte Paypal (les Grecs peuvent aisément faire des transactions électroniques).
Ne lisez pas de magazines anglais spécialisés en économie. 

mercredi 8 juillet 2015

Nafplion

Nous avons déjà un peu parlé de Nafplion, mais il serait injuste de ne pas s'étendre un peu plus sur ce que cette ville a à offrir. Il y a évidemment les incontournables : l'impressionnante forteresse Palamidi, qu'on peut atteindre à pied par une suite interminable d'escaliers, ou une autre appelée "Bourtzi", située à quelques coups de rames du port de Nafplion, dans la baie.

Mais ce qui fait selon moi le charme de la ville, ou en fait, de cette partie de la ville qui fait face au port, c'est la beauté de ses maisons aux couleurs ensoleillées. Les demeures à proximité du port sont souvent nanties de majestueuses portes, et la plupart possèdent de magnifiques balcons ouvragés qui abritent des plantes et des fleurs.

Nous nous étions promis d'y revenir la première fois que nous avons visité la ville -avec les deux plus vieux alors âgés de 1 et 3 ans, et nous avons tenu promesse. Cette fois-ci, Nafplion n'était toutefois pas qu'une étape de notre voyage mais un genre de quartier général pour le "rien faire", la relaxation et les repas. Nous avons choisi de nous y installer et de louer une voiture pour visiter d'autres points d'intérêt des environs soit Mycène et le Théâtre d'Épidaures, mais toutes ces visited peuvent se faire en autobus.

La région qui borde Nafplion regorge d'orangers et de citronniers dont les fruits sont largement dédiés à l'exportation. À la pension, on en a fait une délicieuse marmelade à déguster avec du yogourt, du pain, et même seule. Exception faite de celui croisé au bas du palais d'Agamemnon, les figuiers n'étaient pas encore prêts à nous livrer leurs fruits. À la pension Marianna, Panos m'expliquait que la figue produit la plus naturelle des confitures puisqu'on n'a pratiquement pas besoin d'y ajouter de sucre tellement le fruit en contient déjà. Il m'a aussi donné un bon truc pour peler les figues bien mûres : vous les disposer sur une plaque et vous les congelez. Le jour suivant, vous les retirez du congélateur, vous attendez quelques minutes, puis vous pouvez ensuite en retirer la pelure sans que le fruit perde toute sa consistance. Hop, dans le chaudron et vive la confiture!

Et puisqu'on parle de spécialités locales, autant dire que si vous cherchez de la crème glacée, vous êtes au bon endroit. Il y a bien sûr les glaces faites maison de Koustenis, qui a pignon sur rue Konstantinou et qui approvisionne les cafés-terrasses de la Place Syntagma, mais il y a littéralement un glacier à chaque détour!

Passé 17h, les tavernas situées dans les rues qui surplombent la Place Syntagma commencent à s'animer. Elles offrent toutes, comme celle de Vassilis, des plats dans la plus pure tradition grecque. Autour de nous dans les tavernas et les cafés, les autres vacanciers sont pour la plupart grecs, même si nous avons cette année croisé bon nombre d'Américains, de Britanniques et quelques Coréens.

Les boutiques de Nafplion rassasieront quant à elles n'importe quel adepte du magasinage. Il y a évidemment beaucoup de ces boutiques de souvenirs qui vendent savons et porte-clés, mais également des boutiques de bijoux et de vêtements qui ont ce petit je-ne-sais-quoi qui attire le regard et dans lesquelles on peut flâner pendant des heures.

Et puisqu'on est en bord de mer, il y a assurément des plages. Celle de Karathona, à 5 km de Nafplion est une belle plage de sable familiale à laquelle on peut accéder en voiture, taxi ou bus. Auparavant, des particuliers louaient des chaises longues et des parasols sur les plages, mais les cafés et "beach bars" les mettent maintenant à votre disposition à condition que vous achetiez des consommations chez eux. C'est également la façon de faire à la plage d'Arvanitia, à laquelle on accède par la route qui monte vers la forteresse. Accessible à pied en quelques minutes, Arvanitia est une plage de gros galets blancs bordée de rochers à chaque extrémité. Si vous avez de jeunes enfants, vous préférerez Karathona, mais l'eau est parfaitement limpide aux deux endroits.

Tous ces petits plaisirs sont le reflet d'une douce vie qu'on ressent à tout moment dans cette ville. Nafplion semble exister pour nous charmer, nous séduire, et si nous n'étions pas animés par le goût de l'aventure, nous serions tentés d'y rester encore longtemps...
 



mardi 7 juillet 2015

Nous sommes au lendemain du référendum. C'est pas mal "business as usual" sauf que les Grecs attendent impatiemment que les banques ouvrent après huit jours de fermeture.

Les Grecs ont voté "non" et la position du gouvernement grec face à l'Eurogroup est : dorénavant, vos offres ne sont pas acceptables pour le peuple. Retournez à la planche à dessin.  

La balle est dans le camp de l'Eurogroup et pour comprendre la suite des négociations, il faut écouter les déclarations des chefs d'états européens. Trois grandes forces sont en présence :

La première est la rigueur budgétaire germano-catholique. Pour les Allemands, la rigueur budgétaire n'est pas un moyen d'atteindre la croissance économique de façon durable, mais une fin en soi. Un exemple parmi d'autres : certaines installations portuaires allemandes sont en mauvais état. Lorsqu'elles sont défectueuses, c'est toute l'économie de la région qui en souffre puisque les bateaux ne peuvent livrer leur marchandise. L'Allemagne pourrait emprunter pour réparer ces infrastructures, et ainsi être plus productive et plus riche. D'autant plus que le coût d'emprunt pour l'Allemagne est nul en ce moment (0.25% environ) alors qu'il était même négatif il y a quelques mois. Le gouvernement allemand pouvait ainsi emprunter 1000€ et avait 980€ à rembourser dans 10 ans. Il reste que les allemands préfèrent tout de même fonctionner avec des infrastructures désuète qu'emprunter à coût nul.

La deuxième est la crainte de la montée des partis "radicaux" en Europe. On assiste à la montée de partis qui, comme SYRIZA, sont en rupture avec les institutions politiques de leur pays. PODAMOS en Espagne ou le Front National en France sont des exemples de partis qui étaient autrefois qualifiés d'extrémistes et qui maintenant aspirent au pouvoir. Ils font sauter l'échiquier gauche-droite. Les partis européens actuellement au pouvoir craignent que la perception d'une victoire de SYRIZA dans les négociations donne un élan à ces partis.

La troisième est le projet européen. Après des centaines d'années de conflits qui ont culminé avec deux guerres mondiales extrêmement sanglantes, les Européens ont eu le projet d'imiter les Américains et de prôner l'intégration au point où les conflits se règleraient via les institutions et que les guerres seraient impossibles. Tous les gestes posés depuis la deuxième guerre mondiale avaient pour but de resserrer la cohésion en Europe. Le retrait de la Grèce de la zone euro serait une première fissure dans cette muraille, et si cette fissure s'étend, difficile de prévoir ce qui adviendra.

Si les deux premiers éléments prévalent, la Grèce risque fort de sortir de la zone euro. Si c'est le dernier, un accord est possible.

Ce qui est inutile en ce moment c'est d'écouter les économistes. La débat n'est plus à ce niveau. Pour les économistes, les acteurs font des choix rationnels pour maximiser le rendement et réduire le risque.

Prenez par exemple la situation conjugale suivante :

Elle : Tu as encore laissé traîner tes bas

Lui : Tu est contrôlante comme ta mère

Elle :   Au moins, la mienne n'est pas alcoolique bipolaire

Lui : Elle a ses défauts mais elle travaille; elle est capable de faire quelque chose de ses dix doigts. 

Elle : Toi,  c'est ton onzième dont tu ne sais pas quoi faire

Lui : Ce n'est pas ce que ta meilleure amie me dit

Elle : ...

Un économiste analysera cette situation en se disant que déplacer la paire de bas de quelques mètres permettrait d'éviter d'avoir à payer des milliers de dollars en frais de divorce, comme si le problème était la paire de bas qui traîne. C'est de cette façon que les économistes semblent analyser la situation grecque en ce moment. 

Dans un autre ordre d'idées, on a appris aujourd'hui la démission du ministre des finances grec, Yanis Varoufakis, qui retourne dans son rôle de "l'homme le plus intéressant du monde". Dans sa lettre, il explique que c'était une des conditions de l'Eurogroup pour la reprise des négociations. Peut-être laissait-il traîner trop souvent ses bas pendant les pourparlers....

lundi 6 juillet 2015

Athènes vue par Jules

Les vacances en Grèce avec ma famille ont commencé à Athènes. Le voyage a duré environ 10 heures et nous sommes arrivés à Athènes vers 10h le matin du 24 juin. Une fois arrivés au Cecil Hotel, nous avons fait une grosse sieste car nous étions très fatigués. Plus tard, nous avons vu ma grands-mère qui était elle aussi à Athènes. Le lendemain, nous sommes allés voir l'Acropole; il faisait très chaud mais j'ai trouvé cela très intéressant! L'Acropole a été endommagé au fil des années par des tremblements de terre et par la guerre opposant les Grecs et les Turcs. Ce grand monument a été construit en l'honneur d'Athéna, la déesse de la sagesse et de la stratégie guerrière. Athènes est une ville ou magasiner et manger dans des restaurants sont les choses les plus intéressantes à faire. Alors que nous rentrions à l'hôtel un soir, nous avons vu une manifestation du parti communiste qui était très bruyante. Cette manifestation avait pour but de soutenir Tsipras, le premier ministre de la Grèce. J'ai profité de notre passage à Athènes pour acheter un chapeau, un rubicube et des cadeau pour mes sœurs.


dimanche 5 juillet 2015

Oxi ou Nai

Ce beau dimanche matin dans le sud du Péloponnèse, fait penser à un 30 octobre 1995 à Montréal. C'est jour de référendum et, selon les sondages, le résultat du scrutin est imprévisible.

Tout comme il y a 30 ans, la question est bizarre et fait référence à des négociations qui ont eu lieu précédemment. Les Grecs doivent prononcer si oui, ou non, ils sont en accord avec les mesures d'austérité proposées par l'Eurogroup. S'ils votent oui, le gouvernement n'aura plus la légitimité pour gouverner, devra démissionner et appeler des élections. S'ils votent non, le gouvernement dit qu'il sera en position de force pour renégocier avec l'Eurogroup. Bonne chance avec ça. Si l'Eurogroup n'octroie pas l'aide financière supplémentaire, les Grecs devront trouver les fonds eux-même pour, notamment, renflouer les banques. Deux choix s'offriront à eux : un "bail-in" comme Chypre, c'est-à-dire se servir à même les dépôts effectués dans les banques, ou bien, l'issue la plus probable, imprimer une monnaie locale, c'est-à-dire enlever les toiles d'araignée sur les planche à billets et recommencer à imprimer des drachmes. Cette éventualité signifierait un retrait de la zone euro.

Les Grecs souhaitent rester dans la zone euro sans les mesures d'austérité qui détruisent leur économie. C'est ce que SYRIZA leur avait promis en campagne électorale, sauf que ce n'est pas possible. Ce que le référendum amène de positif, c'est qu'il cadre le choix : l'euro avec les mesures d'austérité OU la fin des mesures d'austérité exigées par l'Europe et le retrait de la zone euro. 

Cette situation ressemble en quelques points à celle des Québécois en 1995, dont la moitié voulait l'indépendance tout en restant dans le giron canadien, ce qui n'est pas possible. On devient un pays indépendant, ou on demeure une province canadienne.

Depuis le début de cette courte campagne, nous n'avons vu aucune affiche pour le oui et plusieurs affiches du camp du non, qui semble être davantage mobilisé. Le gouvernement grec votera non alors que tout l'establishment international (politiciens, hommes d'affaires, commentateurs bien-pensant) enjoint les Grecs à voter Oui, et c'est justement ce qui fera pencher la balance pour... le Non. La question à laquelle les Grecs répondront est essentiellement la suivante : Voterez-vous "Non" comme de fiers Grecs ou vous mettrez-vous à plat ventre en votant "Oui" comme les étrangers le souhaitent? Le référendum est une question d'identité nationale.

   

Faire défaut avec style

Le fond des choses

La Grèce fait défaut de 1.5 milliards d'euros. Elle devait faire ce paiement au FMI et elle n'a pas honoré sa dette, quelle nouvelle! Le gars avec les grandes dents s'époumonait sur la BBC. Mais si on suit de loin la situation, on comprend que le gouvernement n'a pas cet argent. Il a pris le contrôle des banques qui se liquéfient, et la seule façon pour lui de rencontrer ce paiement, serait que l’argent vienne de l’Eurogroup. C'est de cette façon qu’on procède depuis un bout de temps. L’Eurogroup donne de l'argent à la Grèce qui s'en sert pour repayer l'Eurogroup.

Repayer le FMI est la deuxième priorité en ce moment... après n'importe quoi d'autre. À l’heure actuelle, le gouvernement n’est même pas certain de pouvoir payer les pensions. Avez-vous déjà eu à en découdre avec une yayà (une grand-mère grecque) ? Si oui, vous n'en voulez pas un million contre vous.

Dans d'autres nouvelles grecques surprenantes, l'eau de la mer est chaude et salée et les routes du Péloponnèse sont sinueuses.


Sur la forme

Comme dirait Zoé, il y a le style. Au-delà de faire les choses, il y a la façon de les faire. Le ministre des finances, Yanis Varoufakis est arrivé à la résidence du premier ministre (l'équivalent du 24 Sussex) pour une réunion ministérielle au volant de sa motocyclette. Il a enlevé son casque qu'il ne porte probablement jamais en temps normal, car c'est une loi que peu de motocyclistes respectent. Tous les journalistes l'attendaient, lui posaient des questions et on pouvait entendre le déclic des caméras, clic, clic, clic. Il leur dit : kalimera (bon matin). Il attendait la question qu'il voulait qu’on lui pose : Allez-vous rembourser le FMI? Et il leur donna sa réponse toute prête à cette question : non.

J’admire les hommes qui ont du style, et Varoufakis en est un. S'il faut faire défaut sur plus d'un milliard d'euros, autant arriver en moto à la résidence du premier ministre, enlever son casque d'une manière à la fois virile et sensuelle, avancer d'un pas assuré, puis d’une voix grave et profonde dire simplement « oxi » en remuant doucement les lèvres pour leur faire comprendre  que non, pas question de cracher un milliard d'euros.

Personne ne sait ce qu’il adviendra de Varoufakis. Peut-être sera-t-il un héros ou celui qui aura achevé sa patrie, mais il pourrait quitter la politique et faire des annonces de bière entouré de jolies filles et dire "Le gars le plus intéressant au monde ce n'est pas le vieux barbu de la Dos Equis, c'est moi, Yanis Varoufakis".

vendredi 3 juillet 2015

Une anecdote qui vaut mille maux

"Vous avez pensé à tout avant le voyage : des passeports aux diachylons pour les bobos mortels en passant par les adaptateurs qui vous permettent de tout brancher dans les prises électriques grecques. Vous avez repassé "les" listes des milliers de fois pour ajouter quelques cossins et en retirer d'autres qui ajoutaient trop de poids aux bagages, et vous aviez aussi pensé à choisir des valises en fonctions des restrictions et selon le type de vol. Il y a toutefois une chose que vous n'aviez pas prévue, et c'est que l'un de vous tombe malade.

Être malade, c'est pour celui qui reste à la maison et qui regarde passer l'été en arrosant ses fleurs, ou pour celui qui est coincé à l'intérieur le nez dans le climatiseur, croyez-vous. Mais du haut de l'Olympe, les dieux ont tôt fait de vous ramener à la réalité.

Il se trouve donc que vous êtes malade, que rien dans votre trousse de voyageur ne peut y remédier, et que vous avez beau avoir votre certificat d'assurance médicale dans votre porte-feuille, ce n'est pas ce qui calmera la douleur chaque fois que vous essayer de déglutir.

Que faire alors. Vous attendez; vous prenez quelques comprimés d'ibuprophène et vous vous dites que l'eau de mer arrangera tout ça... sans parler de l'huile d'olive et du jus de citron, mais ça ne passe pas. Après cinq jours de calvaire, vous seriez prêt à vous faire vous-même une trachéotomie, mais vous osez faire le "0" et demandez au propriétaire de la pension s'il est possible de voir un médecin. "Pas de problème, dit-il, venez me voir lorsque vous monterez pour le petit-déjeuner et on appellera pour vous avoir un rendez-vous."

Les pires scénarios s'échaffaudent devant vous : les salles d'attente, les vacances qui prennent le bord, les enfants déçus, une facture que vous essaierez de noyer dans une bouteille de ouzo, mais il est clair qu'il vous faut des antibiotiques. Une heure et demie plus tard, Petros vous annonce qu'il vous a obtenu un rendez-vous le matin même dans un cabinet de médecin qui se trouve à 15 minutes de marches de la pension. Vous avez le temps de déjeuner et de vous brosser les dents.

Le quartier où se situe le bureau du médecin vous laisse dubitatif mais son cabinet vous rassure : c'est propre, l'aire d'attente est bien aménagée, les diplômes bien accrochés; ça sent le médecin. 15 minutes après votre arrivée, un patient sort du bureau et le médecin lui-même vous invite à l'y rejoindre. Sans perdre de temps, il vous demande de lui dresser votre bilan médical des 40 dernières années. Il vous interrompt parfois pour demander des précisions et poser des questions; il hoche la tête et prend des notes. On passe ensuite au but de votre visite et on passe en revue tous les symptômes. Au bout de 15 minutes, vous avez fait le tour du jardin.

Le médecin vous demande ensuite de passer dans la salle d'examen où il procède aux vérifications d'usage. Le verdict tombe sans grande surprise : c'est une bronchite. Il rédige un compte-rendu de la consultation pour votre assureur, et une ordonnance qui comprend antibiotiques, sirop expectorant et inhalateur. Vous tâchez de bien écouter ses consignes mais votre esprit est ailleurs... Peut-être qu'il aura pitié de nous et qu'il me laissera au moins un bras et la main, pour tenir celle de la petite sur le chemin du retour? J'aurais donc dû apporter un petit quelque chose, comme du sirop d'érable, pour l'amadouer, ça marche toujours...

Alors que le médecin s'apprête à vous faire le reçu -toujours pour l'assureur-, vous osez enfin lui demander la somme des honoraires. Imperturbable, il vous dit : quarante. Quarante!? Quarante Euros? Comme dans quarante piasses? C'est pour l'ouverture du dossier ou pour le stationnement? À moins que ce soit la taxe?

Vous sortez, l'ordonnance dans une main, et celle de la petite dans l'autre. À quelques pas de là, vous croisez une farmakeon où vous trouvez tout ce qu'on vous a prescrit. La pharmacienne passe un coup de fil pour une information sur la posologie et en 5 minutes, vous êtes prêt à vous lancer sur le chemin de la guérison. Il est midi lorsque vous rentrez à la pension. La Grèce est en pleine crise et en l'espace de deux heures et 40 Euros, vous avez eu un rendez-vous avec un médecin, une consultation et un diagnostic. Trouvez l'erreur...

jeudi 2 juillet 2015

La loterie des banques

Depuis deux jours, les étrangers peuvent retirer de l'argent du guichet et les locaux, 60 euros par jour. Le truc consiste à trouver un guichet qui donne de l'argent. 

Nous nous sentons un peu comme un joueur devant des loteries vidéos au casino. Tu appuies sur les boutons de la machine, des fois les billets sortent et d'autres fois non. Après plusieurs essais, tu te dis "est due pour donner".

Blague à part, contrairement aux joueurs, nous ne sommes pas superstitieux car tout le monde sait que ça porte malheur. Nous croyons à la science et aux mathématiques. Par exemple, aujourd'hui 1er juillet, quelle banque essayons-nous? La Alpha Bank bien sûr. Alpha est la première lettre de l'alphabet grec et nous sommes le premier. C'est mathématique, logique et ça fonctionne. Et hop les beaux euros.

Par ailleurs, ce qui frappe, en plus des files aux banques, c'est la sécurité devant les banques. Ici trois soldats dans une voiture, là deux policiers en uniforme. J'ai voulu prendre en photo une file devant une banque et deux types se sont identifiés comme policiers et m'ont fermement indiqué de ne pas prendre de photos. Cette situation tranche grandement de la Grèce habituelle. En dehors des grandes villes, comme Athènes ou Thessalonique, la présence policière est minimale. Une petite ville cossue comme Nafplio, où nous sommes, vous pouvez y passer une semaine sans vraiment croiser un policier en dehors du café. 

C'est drôle comment on s'inquiète rarement sauf quand les gens vous disent de ne pas vous inquiéter.  C'est la même chose ici, on n'est jamais inquiet de retirer de l'argent, sauf quand trois soldats sont là pour vous rassurer.


mercredi 1 juillet 2015

"Papa, comment les Grèceux vont avoir de l'argent si les banques sont fermées ?"

À travers cette phrase, Eva, tout juste 7ans, s'initie tranquillement aux rouages de la finance internationale. Le gouvernement vient de fermer les banques par décret. La beauté de la chose c'est qu'Eva est inquiète pour les Grecs, mais pas pour elle car c'est bien connu, son père est très fort, très confiant et surtout, il ne dépend pas du tout du guichet de la banque pour les vacances.

Nous venons d'expliquer aux enfants que les banques sont "temporairement" fermées et que les vacances viennent de prendre le bord de l'austerité. Nous leur avons expliqué que l'argent liquide servirait désormais aux dépenses essentielles et que les achats de souvenirs, de même que l'allocation promise dépendaient maintenant de l'accès au fond bancaire ET de leur comportement envers nous et leur fratrie. 

La question des enfants : quand les banques greques auront-elles de l'argent ? Quand la banque européenne leur fournira-t-elle des liquidités en récompense à leur bon comportement? D'ici là, ce sera l'austérité pour la Grèce, les liquidités serviront seulement à payer l'essentiel.

À ce moment, les enfants ont compris que leur destinée était intimement liée à celle de la Grèce.

Eva, avec ses grands yeux, dans un moment de pure lucidité envers les Grecs : "C'est pas juste pour les Grèceux car ils ne peuvent pas retirer leur argent qu'ils ont déposé". Et elle ajoute, dans toute sa sagesse et sa compréhension de la macro-économie : "En tous cas, moi quand je serai grande, je ne déposerai pas mon argent dans les banques grecques".