Le blogue des Rivest en Grèce

Ce blogue est un recueil de textes rédigés par Youri, Geneviève et qui sait, peut-être par Jules, Zoé et Eva également. Vous y lirez nos impressions sur la situation actuelle en Grèce ainsi que sur les endroits que nous visitons. Parfois de courtes cartes postales, parfois des lettres plus longuement réfléchies, nous espérons que vous en apprécierez la lecture et que vous ne vous gênerez pas pour laisser vos commentaires.

mardi 21 juillet 2015

Les explications de Yanis Varoufakis...

Pour bien saisir les nuances et la complexité de la crise politique grecque, nous avons décidé de nous asseoir avec l’ex-ministre des finances, Yanis Varoufakis.1 Il nous reçoit chez lui, dans sa résidence principale, située sur la colline près de l’Acropole. Pour l’entrevue il est vêtu de pantalons en lin kaki et d’une chemise en lin blanc très peu boutonnée. Il est flanqué d’une plantureuse assistante, qui elle, porte un minuscule tailleur marine et une blouse blanche ajustée qui laisse très peu de place à l’imagination. L’appartement est décoré avec goût, et sur les murs sont accrochées des œuvres d’art contemporain et des photos du maître des lieux..

Il nous accueille chaleureusement, nous invite à nous asseoir sur la terrasse, où nous attend un plateau rempli d’olives de Kalamata, de pistaches d’Aegina et une carafe d’eau.

Les Rivest en vacance :  Merci de nous recevoir au milieu de cette crise et d’aider nos lecteurs à comprendre la crise grecque 2015.

Yanis Varoufakis : C’est un grand plaisir pour moi de vous aider à démystifier tout cela...

Lrev : Tout d’abord, une appréciation générale. On dirait que la différence entre la comédie et la tragédie, c’est d’être un  vacancier observateur de la crise politique et être un politicien au pouvoir en Grèce. Êtes-vous d’accord avec cette observation ?

YV : La comédie et la tragédie sont deux cadeaux que la Grèce a fait au monde occidental, comme tout le reste de la civilisation d’ailleurs.

Lrev : La Grèce pâtit dans le marasme économique depuis bientôt 7 ans. À quoi attribuez-vous cette débâcle?

YV : La situation actuelle, le recul de 25% du PIB, le retour de maladies infectieuses, la déflation et l’appauvrissement généralisé du peuple grec est attribuable à la terrible Triade qui oppresse les classes populaires grecques.

Tout d’abord il y a eu les vieux partis corrompus : le PASOK et les conservateurs ont volé les prolétaires et ont truqué les chiffres des finances publiques. En 2008, lorsque la crise financière mondiale  a éclaté, ils n’ont pu continuer leur manège. Comme je dis souvent, c’est quand la marée baisse que l’on voit ceux qui se baignent nu. Ils ont dû avouer que le déficit était beaucoup plus élevé que ce que les chiffres officiels laissaient présager (12.5% au lieu de 2%).

Ensuite, il y a le grand capitalisme mondial qui conspire contre le peuple hélenne. On a exigé des taux d’intérêts ahurissants pour financer la dette grecque. On a dit que c’était parce qu’on avait moins confiance en raison de la manipulation financière, mais en réalité, ces Shylock sont jaloux et font saigner les masses ouvrières descendant d’Aristote. Ils se sont également attaqué comme un squale aux banques grecques qui n’ont pu résister à une telle férocité.

Finalement, il y a les politiques d’austérité mises en place par l’Eurogroup, qui agit en sous-main de l’Allemagne, laquelle n’a jamais digéré la cuisante défaite que la race d’Arès lui a fait subir lors de la 2ème guerre mondiale.  La réduction drastique des dépenses publiques, comme la coupe de 40% des pensions, conjuguée à l’augmentation de toutes sortes de taxes et impôts
ont litéralement asphyxié l’économie grecque. Ces politiques ont d’ailleurs été mises en œuvre avec la complicité des vieux partis corrompus.

LRev : Donc tout cela a culminé avec le contrôle bancaire, la limite imposée de retrait de 60€ par jour et l’interdiction de sortir du capital du pays. Est-ce que cette situation a grandement réduit vos alternatives et votre marge de manœuvre dans vos négociations avec l’Eurogroup?

YV : Je ne crois pas que les Grecs souffrent de cette situation. Nimporte qui sachant lire un tableau avec deux colonnes de chiffres sait bien que nos banques sont comme un vieux rafiot qui prend l’eau, et aura déménagé son argent ailleurs dans la zone euro en prenant soins de mettre quelques liasses au frais dans son coffre fort, à côté de ses passeports de différentes nationalités.

L’assistante : Yanis veut dire que c’est sûrement ce que les anciens dirigeants ont fait.

LRev : Revenons à la situation politique. Vous avez demandé  au peuple de se prononcer par référendum sur les conditions imposées par l’Eurogroup. Vous avez fait campagne avec votre parti contre ces offres. Vous avez gagné le référendum et avez ensuite démisionné, ce qui a surpris tout le monde. Que s’est-il passé?

YV : J’aime les coups d’éclat. Je pensais écrire une lettre très profonde et m’ouvrir les veines dans le bain comme une rock star, mais je ne voulais pas porter ombrage aux Kurt Cobain de ce monde. En fait, le premier ministre, Alexis Tsipras, est venu me voir et il m’a dit que l’Eurogroup exigeait que je ne sois pas à la table pour reprendre les négociations. Il m’a dit : « la Grèce est plus importante que toi ». C’est son avis. Il est le premier ministre. Son problème, c’est qu’il est l’ancien leader étudiant du parti communiste et qu’il croit vraiment à toute cette idéologie. Il est un peu naïf.

LRev : Mais n’êtes-vous pas vous-même de cette mouvance ?

YV : Seulement la semaine. La fin de semaine, je suis un playboy milionnaire.

LRev : ... Le premier ministre Tsipras a donc fait campagne contre les offres de l’Eurogroup pour finalement les accepter une semaine plus tard. Le vote a eu lieu hier soir : votre parti étant divisé sur la question, plusieurs députés dont vous avez voté contre, mais Tsipras s’en est tiré avec une majorité car l’opposition a voté avec lui. Votre avis là-dessus?

YV : C’est très simple : le premier ministre passe des réformes majeures contre son parti, mais avec l’aide de l’opposition.

LRev : Vous avez voté contre votre premier ministre sur le dernier vote et vous vous étiez absent, à Aegina pour des motifs familiaux, lors du vote précédent. Quel est votre statut actuel au sein de votre parti?

YV : Quel genre de pistache mangeriez-vous si je n’étais pas allé à Aegina?

LRev : Comment voyez-vous le contexte politique à court et moyen termes ?

YV : Un premier ministre qui gouverne contre son parti et avec la complicité de vieux partis corrompus devra inévitablement appeler des élections. C’est à ce moment que devra se lever un leader fort, un guide, un phare dans cette nuit de tourmente; un chef qui comprend les prolétaires, qui est capable de s’asseoir avec les puissants de ce monde et de charmer mesdames Merkel ou Lagarde du FMI.

LRev : Monsieur Varoufakis, merci de nous avoir accordé cet entretien.

YV : Tout le plaisir est pour vous.

(1 Pour celles et ceux qui ne l’auront pas compris, quoi qu’elle soit fort plausible, cette entrevue est purement fictive et les réponses de YV ne sont que le fruit d’une imagination débridée, alimentée par le ouzo, la tzatziki et le soleil.)


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